L’OPERATION DE DEPOT BANCAIRE DE FONDS

Publié le par SAYONCOUL

Par Sayon COULIBALY

JURISTE D'AFFAIRES

 

 

 

Dans le système financier actuel les banques  jouent  le rôle d’intermédiaire entre les agents à capacité de financement et ceux à besoin de financement, c'est-à-dire qu’ils collectent les dépôts pour octroyer les crédits. D’où l’adage «  les dépôts font des crédits ».  Le dépôt de fonds est le contrat par lequel une personne dépose des fonds auprès d'un établissement bancaire quel que soit le procédé de dépôt et lui confère le droit d'en disposer pour son propre compte à charge de les restituer dans les conditions prévues au contrat (Art.509  code de commerce).  Ce contrat est généralement assorti d’un contrat de compte bancaire dont il se distingue et dans lequel les fonds reçus seront inscrits au crédit au client. Cette opération n’est pas une nouveauté pour les banques. En effet,  pendant la révolution industrielle, les banques jouent aussi leur rôle en favorisant l'industrialisation grâce aux comptes d'épargne. Mais les faillites retentissantes de certaines banques ont appelées à une réglementation plus stricte, surtout dans le sens de protéger les déposants.

 L’opération de dépôt de fonds est actuellement régie  par le code du commerce, le dahir des obligations et contrats  (D.O.C) et par la loi n°34-03 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés. L’article 2 de cette loi définit les fonds reçus du public comme étant  des fonds qu’une personne recueille de tiers sous forme de dépôt ou autrement, avec le droit d’en disposer pour son propre compte à charge pour elle de les restituer (Art.3 loi n°34-03).  Si du  côté de la doctrine, la nature juridique du dépôt de fonds est loin de faire l’unanimité, la tendance actuelle confirme le durcissement de la responsabilité du banquier dépositaire. D’où l’importance de procéder, dans un premier temps, à l’analyse le régime juridique du contrat de dépôt fonds (I) ; ensuite présenter la responsabilité qui découle de la réalisation de cette opération pour le banquier dépositaire (II).

                                                                                                                                          

       I.           REGIME JURIDIQUE DU CONTRAT DE DEPOT DE FONDS :

         La nature juridique du contrat de dépôt de fonds en banque a longtemps fait l’objet de controverse doctrinale. Ce débat a évolué et on tend actuellement vers une reconnaissance de la nature « sui generis » de ce contrat. Dérogeant ainsi aux règles du droit commun de dépôt, une protection supplémentaire des déposants était nécessaire.

a.      Controverse doctrinale :

      Les économistes et les juristes n’ont pas la conception de l’opération de dépôt de fonds. Pas plus que les juristes sont loin d’être d’accord entre eux sur la nature de ce contrat.

       D’abord, pour les économistes les fonds déposés se confondent avec le solde créditeur des comptes en banque, peu importe l’opération qui a donné naissance à cette créance. Il s’agit des sommes dont le banquier est redevable. Le législateur marocain tient compte de cette conception en assimilant aux fonds reçus du public divers fonds notamment ceux déposés dans un compte à vue, les dépôts affectés etc. (Art.2 al.2 loi n° 34-03).

       Pour les juristes les avis sont nombreux. Certains considèrent le contrat de dépôt de fonds comme un dépôt irrégulier par opposition au dépôt régulier en droit commun. Le déposant conserve, selon ces juristes, la propriété de ses fonds qui ne seraient que des « actifs ». Toutefois, cette qualification s’est avérée insuffisante car dénuée de conséquences juridiques[1]. D’autres, par contre  traitent  cette opération d’un contrat de prêt à consommation ; cela en se basant sur l’article 782 du D.O.C qui dit que : « Lorsqu'on remet à quelqu'un des choses fongibles, des titres au porteur ou des actions industrielles à titre de dépôt, mais en autorisant le dépositaire à en faire usage, à charge de restituer une quantité égale de choses de mêmes espèce et qualité, le contrat qui se forme est régi par les règles relatives au prêt de consommation ». Cette dernière tentative d’arranger le dépôt de fonds en banque avec une catégorie de contrat déjà existante a aussi échoué. Actuellement, on accorde à qualifier cette opération bancaire de contrat innommé ou sui generis, à cause de ses spécificités qui empêchent de le classer dans une catégorie existante des contrats.

 

b.      Spécificités du contrat de dépôt de fonds :

         L’originalité du contrat bancaire de dépôt de fonds s’explique par le fait que le banquier dépositaire peut librement disposer des reçus de ses clients, il est seulement tenu de restituer son équivalent. Autrement dit, il devient propriétaire des fonds déposés. Les déposants n’ont qu’un droit de créance conte lui. Il s’agit là d’une exception importante aux règles du droit commun du contrat de dépôt telles que prévues par les articles 781 à 817 du D.O.C. qui interdisent au dépositaire de disposer de la chose déposée sauf  stipulation contraire prévue dans la convention.  Autres spécificités non moins négligeables du contrat de dépôt de fonds consiste en ce qu’il est rémunéré, généralement au profit du déposant. C’est aussi un contrat qui nécessite un écrit pour sa preuve, contrairement au dépôt régulier où cette formalité n’est obligatoire que si la somme déposé atteint 20000 DH (Art.789 DOC). Cependant,  les déposants bénéficient d’autres garanties de leurs dépôts.

 

c.       La protection des déposants :

          Le dépôt de fonds en banque revêt beaucoup d’avantages  pour les déposants qui  auront leur dépôt en lieu sûr tout en ayant un accès facile à celui en cas de besoin.  Compte tenu de ces avantages, la nouvelle loi bancaire de 2006 a consacré le droit au compte à tout citoyen (Art. 112). En vertu de ce droit toute personne ne disposant pas de compte, et qui s’est vu refuser par une ou plusieurs banques, l’ouverture d’un compte après l’avoir demandé par lettre recommandée avec accusé de réception, peut saisir Bank Al-Maghrib qui désignera un établissement auprès duquel le compte sera ouvert. Toutefois, le refus doit ne pas avoir été justifié pour que la requête puisse être recevable.

      L’opération de dépôt de fonds en banque n’est sans risque. La banque pouvant librement disposer des fonds reçus, celle-ci peut bien les perdre. C’est pourquoi, le législateur a jugé indispensable d’organiser une protection particulière des déposants. Cette protection consiste dans la mise en place d’un fonds collectif de garantie des dépôts financé par les établissements de crédit recevant du fonds du public en hauteur de 0,25% des dépôts et autres fonds remboursables reçus par eux. Ce fonds vise justement à indemniser les déposants en cas d’indisponibilité de leurs dépôts ou tous autres fonds remboursables. Cependant l’indemnisation que les déposants ont droit n’est pas intégrale, elle est limitée à un certain montant qui était fixé à 80000 DH en 2007[2]. Cette limitation du montant des indemnisations ne manquera pas de soulever des réticences de certains clients à placer leur confiance aux banques en leur confiant la garde de leur argent, du moins jusqu’à un certain montant. En plus de cette garantie pécuniaire, les déposants sont protégés à travers les règles prudentielles, surtout par le contrôle que les autorités publiques exercent sur l’activité bancaire qui constitue un service d’intérêt général.

 

 

    II.             RESPONSABILITE  DU BANQUIER DEPOSITAIRE :

 

       Le contrat de dépôt de fonds met à la charge du banquier principalement trois obligations : l’obligation de vigilance au moment de réception des fonds, qui est une obligation générale prévue par l’article 84  de la loi n° 34-03, celle de les  garder et  enfin l’obligation de  restituer les fonds reçus en dépôt. La responsabilité du banquier est essentiellement contractuelle.

a.      La responsabilité du banquier en cas de non respect de l’obligation de restitution :

      En pratique, cette obligation s’effectue selon plusieurs modalités. S’il s’agit d’un dépôt à terme,  le banquier doit restituer les fonds déposés avec éventuellement des intérêts s’ils avaient été stipulés. Dans le cas d’un dépôt à vue la restitution se fait sur la demande du client à n’importe quel moment en dépit du fait que le banquier peut légalement disposer des fonds déposés. Dans le même ordre d’idée, le déposant peut adresser au banquier des ordres de paiement au profit des tiers en émettant des chèques, des billets à ordre ou même procéder à un virement. L’absence de restitution, voire le retard dans celle-ci, constitue une faute qui pourrait engendrer la responsabilité du banquier en cas de dommages causés aux clients.  Toutefois, le banquier peut refuse de restituer les fonds en cas de saisie-revendication par un tiers sur les fonds déposé (Art.803 DOC). Dans ce cas la banque informe le client de cette mesure judiciaire. En dehors de cas, le banquier est tenu de restituer les fonds déposés et cela est une obligation de résultat.

b.      La responsabilité du banquier en cas de perte des fonds déposés :

        Le banquier doit veiller sur les fonds déposés. Il en assume la responsabilité en cas de perte éventuelle. Sa responsabilité est certaine, car même la force majeure ne le libère point. La banque est toutefois libérée en cas de prescription décennale au profit du trésor public (Art.114  loi n°34-03, 2006).

 

 



[1] RIPERT (G.)/ ROBLOT (R.), Traité de droit commercial, Tome 2, 16e édition, L.G.D.J, p.389.

[2] 4Arrêté du Ministre des finances et de la privatisation n°217-07 du 10 moharrem 1428 (30 janvier 2007) portant homologation de la circulaire du Gouverneur de Bank Al-Maghrib n°22/G/2006 relative aux modalités de financement, de gestion et d’intervention du Fonds Collectif de Garantie des Dépôts.

 

Publié dans DROIT DES AFFAIRES

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